Ngarbuh , une tuerie de trop dans le conflit armé en cours dans la partie anglophone du Cameroun
Les photos désespèrent ceux qui les regardent. Elles tournent sur les réseaux sociaux depuis le massacre de Ntumbo, le 14 février, où 23 civils ont été tués, dont 15 enfants. Elles montrent des femmes et des enfants gisants dans leurs vêtements colorés, des petits bouts calcinés, des visages défigurés par l’horreur de la mise à mort. On y voit aussi un prêtre accueilli par les sanglots déchirants des familles en deuil.
Des témoignages concordants et alarmants
« Entre 4 et 5 heures du matin, une quarantaine de soldats sont entrés à Ntumbo, ils poursuivaient un groupe rebelle Mbororo. Ils s’en sont pris à la population du quartier de Ngarbuh, brûlant des maisons, tuant sans distinction les civils : au moins 23, dont 15 enfants et deux femmes enceintes. C’est sans compter ceux morts en brousse des suites de leurs blessures », confie à La Croix un enquêteur international. Paul, originaire de cette région anglophone, assure à La Croix qu’ils ont recommencé dans son village de Weh, dans la périphérie de Bamenda, lundi 17 février : « Ils ont pris mon frère, lui ont tiré une balle dans la nuque, comme à 13 autres personnes du village. Puis, ils ont volé tous les biens et mis le feu aux maisons. Ma belle-sœur et ses 11 enfants vivent cachés dans la brousse, comme beaucoup d’autres. »
L’ONU empêchée de travailler
Même l’ONU est sérieusement entravée dans son travail. « Les militaires tuent comme des fous, accuse anonymement à La Croix un agent onusien en poste au Cameroun. Les zones anglophones sont fermées aux médias. Les autorités camerounaises exercent plus de pression sur les Nations unies pour bloquer nos mouvements et nos missions, afin que nous n’enregistrions pas ce qui se passe. »
Un autre explique que l’armée est responsable de 60 à 70 % des pertes civiles dans les deux régions anglophones et qu’elle jouit d’une complète impunité. Sans compter les mensonges outranciers de l’État camerounais. « En décembre 2019, le ministre chargé du plan d’assistance humanitaire d’urgence affirmait qu’il n’y avait que 152 000 déplacés internes dans les deux régions anglophones, or, ils sont 679 000 », note un humanitaire.
Pressions sur le régime
Cette enquête indépendante demandée par les Nations unies semble marquer un tournant dans la manière dont la communauté internationale a toléré jusqu’à maintenant les exactions commises par les forces de sécurité, ainsi que les mensonges de l’État camerounais. Même la France, allié traditionnel du régime de Paul Biya, s’en inquiète. Samedi 22 février, le président Emmanuel Macron, interpellé par un visiteur en marge du Salon de l’agriculture, a assuré : « Je vais appeler, la semaine prochaine, le président Biya et on mettra le maximum de pression pour que cette situation cesse. Je suis totalement au courant et totalement impliqué sur les violences qui se passent au Cameroun et qui sont intolérables. Je fais le maximum. »
https://www.la-croix.com/amp/1201079978
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